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Managed Retreat, Chili

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Managed Retreat, Chili
Type de projet
Plan de reconstruction post catastrophe

Partenaires


Concepteur
Alejandro Aravena

Lieu
Constituciòn, Chili
Milieux
Sur la côte / Rivage / Littoral / Estran / Milieu côtier

Catégorie
Architecture & Manières d’habiter le territoire

Type de projet
Projet de territoire / Gouvernance, Architecture / Design / Technique

Modalité d'adaptation
Recomposer autrement / Penser avec la profondeur du territoire / Retisser les liens / Prendre en compte les interdépendances

Page du projet

Contexte du projet

Le Chili est situé le long de la fosse océanique du Pérou-Chili qui souligne la subduction de la plaque de Nazca sous la plaque sud-américaine à un rythme de huit centimètres par an. Cette configuration géologique entraîne une forte activité sismique avec un risque important de tsunami. Presque tout le pays, et notamment les villes côtières, ont déjà plusieurs fois été touchées par un séisme au cours des XX et XXIe siècle. 

Un séisme d’une magnitude de 8,8 survient en février 2010, suivi d’un tsunami. Les vagues montent jusqu’à dix mètres de haut. Le bilan humain et matériel est considérable (plus de 525 personnes perdent la vie et près de deux millions de personnes sont sinistrées à travers le pays). De plus, les conséquences du raz-de-marée sur la biologie et le faciès du littoral ont également été très lourdes.

La reconstruction de Constituciòn, ville de pêcheurs de 46 000 habitants, est lancée par Andrés Iacobelli, le nouveau sous-secrétaire au logement du Chili. Iacobelli, à la recherche d’aide du secteur privé, a contacté le principal employeur de Constitución, une entreprise forestière appelée Arauco. Il a connecté Arauco avec Elemental, un cabinet d’architecture à Santiago spécialisé dans les projets de logements sociaux. De ce partenariat a émergé un accord selon lequel Arauco financerait les efforts d’Elemental pour élaborer un plan de reconstruction durable. Ce projet nous intéresse dans ce contexte, car il expérimente une adaptation souple des territoires littoraux, reliant architecture, paysage, urgence et pérennité.

Les concepts clefs

Managed retreat – un plan urbain de reconstruction pensé avec la géographie du territoire

L’architecte et urbaniste Alejandro Aravena choisit, pour la conception de son plan de reconstruction, de répondre à un risque géographique par une adaptation géographique du plan de la ville.

Il s’appuie d’abord sur la topographie du milieu afin de proposer une réorganisation de la ville par plateaux. Il choisit alors de réimplanter les habitations du quartier complètement détruites de La Poza en zone rétro-littorale sur les hauteurs de la colline, libérant ainsi le niveau bas de la ville, plus proche du rivage. Ce projet d’habitations repoussées du rivage est appelé Villa Verde. Le bâti restant en partie basse du centre-ville est principalement constitué d’équipements, les bâtiments les plus proches du rivage étant mis sur pilotis. L’eau pourra ainsi librement circuler en rez-de-chaussée en cas de nouvelle submersion. Ce réaménagement par plateaux, permet alors de sécuriser les habitants en hauteur de la ville de la montée des eaux, tandis que la ville basse et les équipements publics peuvent accepter l’eau en cas de submersion.

La participation des habitants dans la conception et la réalisation du projet 

Le second axe fort du projet est l’implication des habitants dans le processus de conception et de réalisation du projet. L’architecte a travaillé en partenariat étroit avec la population pour concevoir le programme de reconstruction de leur ville. 

Ainsi, durant la première phase de conception du plan de réaménagement de la ville, les habitants ont proposé des pistes d’amélioration de leur ville : elle manquait d’espaces publics et ils avaient une accessibilité très réduite au rivage (interférant avec leur pratique de la pêche) et il y avait des inondations très fréquentes lors d’évènements météo avec de fortes précipitations. C’est grâce à ce partage que le scénario de reconstruction de la ville par plateau, allié à une forêt littorale, aura été choisi.

Les habitants ont également été invités à participer aux phases de réalisation et de construction des maisons. En effet, les nouvelles habitations, situées en partie haute, se construisirent en deux étapes distinctes.

Plutôt que de construire de petites maisons (avec les budgets alloués pour le plan de reconstruction), l’architecte propose de concevoir un système de “demi-maison” avec la construction d’une première cellule d’habitation autonome (cuisine + salle de bain + toilettes + une chambre), qui pourra ensuite être complétée par des extensions construites par les habitants eux-mêmes au gré de leurs possibilités financières. 

Un parc urbain et une forêt littorale protectrice

Le troisième axe fort de ce plan de reconstruction a été la création d’un aménagement paysager au bord du rivage, avec un parc et un espace public redonnant accès au rivage. Celui-ci comprend des lagons pour absorber l’eau lors d’inondations, et la plantation d’une forêt littorale (pins et eucalyptus) dressée en première ligne le long de la côte, entre l’eau et le bâti. Tout un travail d’études a été mené sur la puissance, la hauteur et l’intensité des vagues, afin de déterminer la profondeur, la densité et la nature des arbres constituant cette nouvelle forêt. Une fois développée, celle-ci pourra permettre d’amortir naturellement la force de la houle lors d’évènements climatiques extrêmes, agissant comme un espace tampon qui protège la ville située derrière.

Pourquoi on en parle ?

Une première tentative de retrait stratégique

Le processus mis en avant dans ce projet, diffère des scénarios habituels de réponse dans l’urgence. En expérimentant une réorganisation urbaine des lieux de vie, comme le déplacement du quartier de La Poza, la ville de Constituciòn teste un retrait stratégique des zones à risques en front de mer vers des zones rétro-littorales sur les hauteurs de la colline.

Cette réorganisation ne s’est pas faite sans controverses, puisqu’elle a aussi révélé que seulement un certain type de la population avait été excentré (familles issues de milieux modestes) alors que d’autres plus aisés avait pu rester dans les quartiers plus riches et faire adapter leurs habitations.

Rendre son épaisseur au littoral ?

Ce plan urbain de reconstruction propose de laisser du mouvement à l’interface terre – mer, grâce au recul des habitations vers les parties hautes et à la plantation d’une forêt littorale. La forêt littorale, lorsqu’elle sera développée, devrait pouvoir dissiper 40 à 70% de la puissance de la houle lors d’un futur tsunami (grâce à combinaison de la géographie des collines à la hauteur des arbres et à la profondeur de la zone plantée). De plus, ce nouveau milieu permettrait également d’absorber les eaux de pluie et de ruissellement très abondantes dans la région.

On notera cependant, que le parc urbain a été inauguré en 2019, mais pour l’instant on n’y voit toujours pas d’arbres plantés. Nous sommes encore loin de la forêt littorale proposée il y a déjà dix ans… affaire à suivre.

Warning

Certaines critiques remettent en question le PRES (Plán de Reconstrución Sustentable) par sa contribution à l’accélération de la gentrification et son amplification des injustices économiques.

Par exemple, le plan de reconstruction qui a transformé l’ancien quartier de La Poza en une future forêt littorale, a confronté ces anciens habitants à plusieurs défis : les pêcheurs ont perdu la proximité avec le rivage et leur lieu de travail, certaines familles ont dû déménager et ont parfois été séparées, de nombreux anciens habitants de La Poza auraient aimé continuer de vivre au centre-ville, plus proche de leur ancien quartier et de leur activité principale de pêche, mais les stratégies de réaménagement du centre urbain ont conduit à faire augmenter les prix des logements proches du rivage.

Une étude a également montré que 13% des anciennes parcelles résidentielles de la zone urbaine de Constitution a été converti en lots commerciaux. Beaucoup de parcelles du secteur historique, autrefois résidentielles, sont devenues bien plus chères, les réservant ainsi à des fins commerciales ou d’autres utilisations de grandes valeurs. Beaucoup de résidents à faible revenu de La Poza vivent maintenant dans les contreforts de l’autre côté de la ville, où le transport et l’accès aux commodités et aux ressources de la ville est plus difficile, et où certains disent que la menace de glissements de terrain n’est pas moins dangereuse que le risque de les tsunamis étaient avant. Cette première tentative de retrait stratégique pose encore question…

Mise en perspective 

Plusieurs projets miroirs sont intéressants à présenter pour compléter la thématique de la forêt littorale. 

Au Japon, suite au tsunami de 2011 qui dévasta la région côtière de Sendai, un important programme de restauration de la bande forestière a été lancé, avec une campagne de plantation de tsunami control forests, comme celle de la région de Tohoku (230 km de long et 200 m de large) qui agit comme un paysage d’interface protecteur entre la ville et la côte. Ce projet travaille sur la restauration et l’amplification des forêts littorales existantes, notamment avec l’association de plusieurs espèces d’arbres, aux racines très profondes, qui permettrait de régénérer les forêts littorales et de protéger les communautés en situées en arrière côte. 

Au Sri Lanka, suite au tsunami de 2004 qui dévasta les territoires côtiers sur les côtes d’Ampara et Hambanthota, l’ONG Seacology, soutenue par le gouvernement du Sri Lanka, a mis en place un plan de restauration et conservation des mangroves sur l’ensemble des côtes du littoral Sri Lankais. Le projet protégera les 8815 hectares de forêts de mangrove existantes et reconstituera les 3885 hectares de mangroves qui furent autrefois déforestées. Ce projet est développé en partenariat avec les communautés qui deviennent alors responsables de la protection et restauration des mangroves, en échange de l’obtention de microcrédits pour relancer le développement de l’économie des villages.