« Ce qui nous attend n’est pas un big flash, une fin du monde brutale et instantanée. Non, quoi qu’il arrive, ça va se déglinguer pendant des siècles. Alors ma question est : que peut-on fabriquer aujourd’hui qui puisse éventuellement être ressource pour ceux qui viennent ? ». Isabelle Stengers, Résister au désastre.
Klima est un atelier de recherche indépendant, créé en 2018, sous le statut d’association loi 1901. Il est co-dirigé par un duo d’architectes, Sophie Dulau et Marie Banâtre, accompagnées de collaborations ponctuelles (paysagistes, géographes, sociologues, designers).
Nos recherches et investigations portent principalement sur les grands bouleversements écologiques en cours : changements climatiques, érosion de la diversité du vivant, pollutions environnementales… Nous travaillons sur la diversité de formes que peut prendre l’adaptation sur un territoire donné, et sur ce qu’elle implique comme transformations radicales de nos modes de vie, nos manières d’habiter et nos relations aux milieux et aux paysages.
Conscientes que l’échelle de temps du climat dépasse l’échelle de temps de nos vies, nous ne cherchons pas l’exhaustivité dans nos recherches et projets. Nous souhaitons toutefois appréhender la complexité des bouleversements en cours, au-delà des débats d’experts ou des références techniques, à travers plusieurs fragments qui inspirent créativité, curiosité, questionnements.
Klima est né en réaction au discours dominant entendu à travers nos pratiques, selon nous homogénéisant, réducteur et non remis en cause, autant dans l’appréhension des effets du changement climatique que dans les modes d’actions proposés.
Dans le discours dominant, que comprendre de la fascination pour la catastrophe qui occupe tant l’espace médiatique ? A l’inverse, quels sont tous les autres phénomènes et leurs amplifications par des pratiques anthropiques qui sont invisibilisés ? Que dire de la dégradation continue des paysages et la perte de la diversité du vivant qui deviennent une normalité admise comme telle ?
Ces dissonances produisent une perception biaisée des changements climatiques et contribuent à ne pas requestionner de manière radicale nos modes de penser et d’habiter.
Nous faisons le pari qu’il existe une pluralité de visions de l’adaptation qui vont au-delà des solutions techniques communément montrées par les médias ou revendiquées par les institutions publiques comme seule alternative, et qui selon nous, peuvent contribuer à entretenir une perception partielle du danger, une illusion de sécurité.
Nous nous intéressons à l’adaptation transformationnelle (adaptation qui change les éléments fondamentaux d’un système) ainsi qu’à l’adaptation spontanée (adaptation sans préméditation explicite ou consciente) et à ce qu’elles proposent comme changements dans nos modes de vie. Nous souhaitons sortir de la vision unifocale du risque pour retrouver de la richesse et de la complexité, à la fois dans nos relations aux milieux et dans nos manières d’être et d’habiter dans ces milieux.
Nous voulons contribuer à la création d’autres visions de l’adaptation, l’adaptation au sens large, pas seulement celle aux changements climatiques, car il serait trop réducteur de cataloguer les grands changements en cours uniquement en termes de climat. Les changements sont multiples et systémiques (réchauffement climatique, pollutions environnementales, extractivisme, sixième extinction des espèces, érosion de la diversité du vivant, bouleversement des systèmes biotiques…).
Nous nous intéressons aux littoraux comme symboles de territoires en grandes mutations et de paysages sentinelles des changements climatiques. Ils portent des problématiques sociales, politiques, géopolitiques et environnementales, si contemporaines à l’échelle nationale et mondiale, qu’ils en deviennent des terrains d’étude à valeur universelle.
L’élévation des températures (de l’air et de l’eau), les phénomènes de chaleurs et de pluies extrêmes, la recrudescence des tempêtes, l’élévation du niveau de la mer, l’érosion des côtes, l’acidification des océans… sont autant de phénomènes spécifiques et localisés mais aussi cumulatifs et planétaires. Ils vont bouleverser les écosystèmes, les paysages, les modes de vie, les migrations humaines et animales, ainsi que l’occupation de l’espace et des territoires. Car ce sont les deux tiers de la population mondiale et près de 40 % de la population européenne qui vivent à moins de 100 km des côtes.
L’horizon illimité, l’appel de l’eau profonde, le désir d’une vie meilleure, la mer, le soleil, les embruns, les paysages d’une rare richesse et diversité, la beauté des rivages, le mythe balnéaire, le tourisme de masse, l’extension des zones urbaines, la multiplication des maisons secondaires, les pressions anthropiques, les bateaux usines, le commerce international, les zones portuaires, les zones d’extraction de ressources en sable, les câbles sous-marins, les pollutions des sols, de l’eau, les algues vertes, les dégradations des paysages et les effets du changement climatique… Polysémiques, les littoraux sont dès lors porteurs d’enjeux environnementaux, poétiques et sociaux.
Nous proposons de chercher une pluralité d’approches et de projets afin de les partager avec tous pour stimuler et inspirer de nouvelles approches aux changements climatiques. Nous essayons de développer, à travers ces recherches, des réflexions plus relationnelles et analogiques que comparatives, en mettant en dialogue différents cercles de pensées.
Un projet de recherche et enquête de terrain sur le bassin Loire-Bretagne pour comprendre ce qui crée l’adaptation, questionner nos modes d’habiter, nos perceptions des changements, nos relations aux paysages et repérer et mettre en lien des projets d’adaptation aux changements climatiques. Mais aussi la création d’une cartographie internationale de projets liés à l’adaptation littorale, la rédaction d’articles et reportages donnant la parole à ceux qui pensent et créent l’adaptation, des actions de médiation pour stimuler les réflexions collectives et enfin l’accompagnement de projets d’adaptation sur le terrain.