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Composer avec l’eau au Bangladesh

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Composer avec l’eau au Bangladesh
Type de projet
Architecture et manières d'habiter le territoire

Partenaires
Friendship ONG

Concepteur
Kashef Chowdhury

Lieu
Kuakata et le long du fleuve Brahmapoutre, Bangladesh
Milieux
Sur la côte / Rivage / Littoral / Estran / Milieu côtier

Catégorie
Architecture & Manières d’habiter le territoire

Type de projet
Projet de territoire / Gouvernance, Architecture / Design / Technique

Modalité d'adaptation
Composer avec l’incertitude / Prendre en compte l’impermanence et l’indéterminé, Recomposer autrement / Penser avec la profondeur du territoire / Retisser les liens / Prendre en compte les interdépendances, Apprendre à vivre avec / Porter attention au réel / Prendre en compte les transformations, les rythmes et les seuils

Page du projet

Contexte des projets

La question peut aujourd’hui se poser au Bangladesh de savoir si les eaux traversent la terre, ou si ce sont des parcelles de terre éparpillées au milieu des eaux. En effet, le pays comprend 700 rivières dans un contexte géographique tout à fait particulier. Au Nord, l’Himalaya et toutes les chaînes montagneuses qui déversent leurs flots. Au Sud, le plus grand delta du monde, et une montée des eaux indéniable. 

En moyenne, sur un cycle de cinq ans, 50 millions de Bangladais sont affectés par des catastrophes naturelles, soit un habitant sur trois. Ainsi, un cyclone frappe les côtes tous les trois ans, contre tous les cinq il y a encore quelques décennies. De plus, à chaque mousson, un quart du pays se retrouve sous les eaux, sur un territoire national inondable jusqu’à 70%. Quant à l’érosion des rives, elle touche annuellement 2 000 à 3 000 km de berges. Et avec les précipitations plus abondantes et l’accélération de la fonte des glaciers de l’Himalaya, les inondations « habituelles » deviendront de plus en plus importantes dans les années à venir. La submersion au Bangladesh n’est pas un risque à l’horizon 2050, c’est la réalité d’aujourd’hui. Pour une population 2,5 fois supérieure à celle de la France (pour un quart de sa superficie), on estime aujourd’hui entre 20 et 40 millions de réfugiés climatiques.

L’architecte Kashef Chowdhury

Ayant grandi dans le delta, l’architecte bangladais Kashef Chowdhury propose avec son agence URBANA une architecture comme « art de la relation », celle entre l’environnement et l’eau l’intéressant tout particulièrement. Il travaille sur des projets de recherche et expérimente des solutions pour adapter les territoires de son pays face à la submersion.

Les concepts clefs

Raised Settlments (« Les Colonies Flottantes »)

Descendant de l’Himalaya, le fleuve de 10km de large Brahmapoutre pénètre au Nord du Bangladesh. Durant la saison de la mousson, il inonde et se transforme en un océan d’eau sans fin. En 2005, Kashef Chowdury propose de construire avec les personnes touchées par les inondations, une série de « colonies flottantes » surélevées en forme d’îles.

Plutôt que d’essayer d’élever les maisons individuelles, le projet Raised Settlments travaille la topographie du terrain et créé de véritables socles surélevés au-dessus du niveau d’inondation enregistré. Ainsi, les villages sont implantés sur des plateaux hauts par temps calmes qui deviennent des îles à la mousson, lorsque l’eau monte. Au centre de l’île, un étang en forme de cratère retient l’eau de pluie. Le bâti est organisé autour de cet étang, suivant ainsi la forme de comète donnée à la colonie. Chacune de ces “colonie” comprend une trentaine d’habitations individuelles, mais également des équipements tels qu’une école, une clinique, tout ce dont le village requiert pour continuer à vivre lorsqu’il sera séparé de ses terres voisines par l’eau. 

Cyclone Shelter (« L’abri anti-cyclone »)

En 2007, suite au cyclone Sidr dans le delta sud, Kashef Chowdhury conçoit, en partenariat avec l’ONG Friendship, un projet d’abris anti-cyclone, « prototype pour la ceinture côtière du Bangladesh ». Ils s’engagent alors dans la conception de ce prototype, mais ne savent pas encore comment arriver à financer sa réalisation. C’est grâce à une exposition en 2013, dans laquelle est présenté le projet, que le Luxembourg proposera, par la suite, de créer une levée de fond suffisante pour sa réalisation. La construction de cet abri n’aura été permise que sept ans après le cyclone.

Il s’agit d’un bâtiment refuge en béton brut, permettant d’abriter la population locale en cas d’aléa. Ainsi, jusqu’à 1000 personnes peuvent s’y réfugier grâce à une organisation spatiale modulable à l’intérieur du bâti. De plus, une longue rampe permet un accès rapide jusqu’au toit par l’extérieur, servant notamment aux éleveurs qui peuvent ainsi mettre rapidement leur bétail en lieu sûr. Ce bâtiment peut donc accueillir, en plus des femmes et des hommes, jusqu’à 200 vaches et chèvres.

Le reste du temps, le rez-de-chaussée accueille une clinique, et les étages supérieurs des salles de classe pour une école primaire. Le toit sert de cours de récréation facilement accessible. Chaque étage comprend également des salles de stockage afin d’optimiser l’espace libre de l’abri.

Pourquoi on en parle ? 

« Au lieu de la combattre, on vit avec l’eau. »

Ces deux projets proposent une architecture qui s’adapte à un milieu changeant. Sur ces deux territoires, les populations devront vivre et accepter que l’eau vienne de plus en plus souvent sur les terres. Les deux projets cherchent donc à proposer des manières d’habiter et de vivre sur des territoires marqués par l’incertitude.

Le projet Raised Settlments propose une adaptation au phénomène météorologique des moussons, Kashef Chowdhury propose des “îles” qui peuvent accepter les variations de niveaux de l’eau dans ces milieux de plus en plus souvent submergés. 

Le projet Cyclone Shelter, quant à lui, propose un bâtiment qui puisse protéger les populations locales en cas de cyclones ou fortes tempêtes.

Des projets multifonctionnels, autant par temps calmes que troubles

De plus, les deux projets de l’architecte Kashef Chowdhury, proposent des lieux multifonctionnels qui peuvent être utilisés aussi bien par temps de crue que par temps plus clément.

D’une part, les Raised Settlments proposent des architectures « colonies » autosuffisantes en termes d’équipements, récupération des eaux de pluie et les activités de pêche. Ainsi, elles deviennent des entités à part entière qui seront adaptées et fonctionnelles quelque soit les conditions climatiques. D’autre part, le Cyclone Shelter abrite d’abord une clinique et une école primaire, qui peuvent se transformer en espace d’accueil pour abriter un maximum de personnes en cas de tempête. 

L’architecte créé ainsi des projets qui répondant à plusieurs besoins vitaux de la communauté dans un seul et même bâtiment (accès à l’éducation, à la santé, protection face à la montée des eaux et aux aléas).

S’adapter en milieu mouvant

Enfin, la forme, les matériaux utilisés, le travail de la topologie, de la topographie sont autant de paramètres qui ont permis une meilleure adaptation de ces projets à leurs milieux. 

En effet, la forme du projet Raised Settlements est issue de l’étude de cartes et l’observation aérienne des îles fluviales déjà présentes dans ce territoire, tandis que la forme du socle a été dessinée en rapport à l’étude de l’écoulement de l’eau et des dépôts alluviaux.

Dans le projet Cyclone Shelter, Kashef Chowdhury développe une architecture refuge qui permet de protéger et accueillir la population face aux catastrophes naturelles. Ainsi la grande rampe constitue une enveloppe extérieure qui protège du vent, de l’eau et des débris. Les fenêtres sont encastrées au plus profond du béton de façade pour éviter tout impact, et le bâtiment a été entièrement construit en béton brut pour résister à la salinité de l’eau (en comparaison à la brique). 

Warning

Ces deux projets proposent une ouverture vers l’adaptation dans un pays qui est déjà très fortement touché par le dérèglement climatique, alors même que la population doit faire face à la montée des eaux, à la sécheresses des sols, et à une recrudescence des catastrophes naturelles. Mais ce ne sont pour l’instant que des projets « manifeste » isolés, dans la mesure des moyens trouvés par les architectes engagés, tel que Kashef Chowdhury. Une multiplication du nombre de projets et d’études comme ceux-ci, pensés à l’échelle locale et à celle du pays, est nécessaire lorsque ce dernier fait face de plein fouet aux changements climatiques.

Liens sources