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Habiter sur l’eau en Mésopotamie

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Habiter sur l’eau en Mésopotamie
Type de projet
Innovation et architecture vernaculaire

Partenaires
Le peuple des Ma'dan

Concepteur
Le peuple des Ma'dan

Lieu
Confluent du Tigre et de l'Euphrate, Marais de Mésopotamie, au sud de l'Irak
Milieux
Estuaire / Delta / Marais / Lagune / Milieu saumâtre

Catégorie
Paysage & Ecologie

Type de projet
Architecture / Design / Technique

Modalité d'adaptation
Composer avec l’incertitude / Prendre en compte l’impermanence et l’indéterminé, Apprendre à vivre avec / Porter attention au réel / Prendre en compte les transformations, les rythmes et les seuils

Page du projet

Contexte

Les marais de Mésopotamie, aussi appelés jardins d’Eden iraquiens ou Venise de Mésopotamie, sont un oasis au milieu du désert. Situés dans le sud de l’Irak, le sud-ouest de l’Iran et le Koweït, au confluent du Tigre et de l’Euphrate, une population de près de 100 000 Ma’dan vivait autrefois dans des villages insulaires flottants. Cet ancien système de construction et d’architecture insulaire a permis à une civilisation de s’épanouir dans un environnement inhospitalier tout en soutenant un écosystème de zone humide.

Les Arabes des marais semi-nomades, “Adan” ou Ma’dan, qui signifie “habitant dans les plaines”, ont continuellement habité cette terre depuis six mille ans. Jusqu’à ces dernières décennies, les marais constituaient le plus grand écosystème de zone humide continuellement habité du Moyen-Orient. L’économie et le mode de vie des Ma’dan, qui s’étendent sur six mille ans, sont restés similaires aux anciennes pratiques de leurs ancêtres sumériens.

Concepts clefs du projet :

Les villages flottants des Ma’dan, ou al-tahla, sont composés de dizaines d’îles artificielles, construites par l’homme, appelées al halif, ainsi que d’îles naturelles flottantes, appelées tuhul. Sur ces îles, les Ma’dan sont capables de construire des maisons flottantes, sans clous, ni bois ou mortier, elles sont entièrement faites de roseaux récoltés localement directement dans les marais alentours.

Cette plante de 8 mètres de haut, ressemblant à du bambou, est au centre de la culture des Ma’dan. En plus de servir à la construction des îles artificielles et des maisons le qasab fournit du fourrage pour les troupeaux de buffles d’eau, de la farine pour le pain et permet aux Ma’dan de se déplacer, en l’utilisant comme matériau de construction pour leur canoës.

Les îles flottantes se trouvent à l’endroit où les ruisseaux des marais se rejoignent pour former de petits lacs. La construction des îles suit un calendrier saisonnier en trois étapes :

  • La construction commence à l’automne, lorsque le niveau de l’eau est le plus bas. La première étape consiste à entourer une bande de roseaux vivants d’une clôture de roseaux séchés d’un mètre de haut. Cette clôture de roseaux vivants très serrés sert de fondation à l’île.
  • La deuxième étape de la construction est constituée d’un processus de stratification où des couches alternées de roseaux séchés et de boue draguée du fond du marais servent à construire le plancher de la maison.
  • La dernière étape, lorsque l’île est finalement consolidée, consiste à utiliser les roseaux pour construire l’architecture du bâtiment. Le qasab séché est à la fois assez solide pour servir de colonnes ou de poutres et assez souple pour être tissé en nattes pour fabriquer les murs, les toits et les sols. Un tressage particulier de ce roseau permet aussi de créer des cordes reliant les éléments structurants du bâtiment.

Ces îles servent finalement de base sur laquelle sont construites des structures comprenant des centres religieux et communautaires, des granges ainsi que des habitations plus ou moins grandes, (la plupart des maisons font deux mètres de large, six mètres de long et trois mètres de haut). Chacun de ces bâtiments a une structure et une forme particulière permettant de connaître son statut et son usage.

Avec des soins et des réparations appropriés, les maisons en roseaux peuvent durer vingt-cinq ans. L’érosion des bords de l’île et l’enfoncement des fondations se produisent au fil du temps mais avec beaucoup d’entretien pour renforcer la structure certaines îles peuvent perdurer très longtemps.

Pourquoi on en parle ?

Cet ancien système de construction et d’architecture insulaire a permis à une civilisation de s’épanouir dans un environnement hostile tout en maintenant un écosystème de zone humide depuis près de six mille ans. Les habitants des marais du sud de l’Irak sont les héritiers d’une culture qui remonte à des milliers d’années. Dans une région considérée comme le “berceau de la civilisation”, l’économie et le mode de vie des Ma’dan sont restés similaires aux anciennes pratiques de leurs ancêtres sumériens. Ils ont su pérenniser un habitat et un mode de vie qui puisse s’adapter au fils des années à des conditions de vie et un environnement en continuel mouvement.

Le roseau qasab n’est pas seulement utilisé comme matériau mais les Ma’dan ont sur en tirer profit au maximum, jusqu’à l’intégrer comme élément principal de leur culture. C’est une espèce clé, ancrée dans toutes les facettes de la vie quotidienne. De la construction insulaire à l’architecture et en tant que matériau indigène le plus abondant disponible dans les marais, il est appliqué de manière innovante à la vie quotidienne dans une multitude de manières et poussé jusqu’à ses limites structurelles et écologiques. Non seulement les Ma’dan ont développé une forme de maison sophistiquée en utilisant un seul matériau de construction, mais ils ont également créé le terrain même sur lequel se dressent leurs maisons.

De plus, le rapport des Ma’dan à leur lieu de vie est en constante évolution car ils entretiennent et prennent soin de leur architecture, elle est ici perçu comme un élément vivant, éphémère et fragile, dont on doit prendre soin. C’est ainsi que ces îles et ces architectures sont régulièrement entretenues, reconstruites, et améliorées.

Warning

En l’an 2000 il ne restait plus que 10% des Ma’dan dans les marais. A cause de l’assèchement des marais par Sadam Hussein, une grande majorité des Arabes des marais ont dû fuir, contraints de quitter leurs maisons, abandonnant leur mode de vie traditionnel pour d’autres villes et camps en Irak ou en Iran. Au total des dizaines de milliers d’habitants ont dû fuir laissant derrière eux leur lieu de vie totalement dévasté. La décimation de ces zones humides connues pour leur biodiversité et leur patrimoine culturel vivant, a été décrite en 2001 comme “l’une des plus grandes catastrophes environnementales du monde” par le rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement.

Mise en perspective

En juillet 2016, les marais ont été inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, ce qui permet d’espérer que l’écologie et la culture des Ma’dan puissent à nouveau s’épanouir.

Le ministère irakien des ressources en eau a adopté un plan directeur pour la construction de retenues d’eau pour contenir l’eau en hiver et la libérer au printemps, créant ainsi une crue artificielle. L’approvisionnement en eau ne suffira pas à restaurer les marais mais avec des accords de partage de l’eau pertinents entre les pays et des plans de gestion avancés pour l’utilisation de l’eau en amont et dans les marais, un autre avenir pourra alors être possible.


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