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Renouvellement de la trame arborée du Marais Poitevin

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Renouvellement de la trame arborée du Marais Poitevin
Type de projet
Projet de paysage

Partenaires
Parc Naturel Régional du Marais Poitevin / ANR DIGUES (Digues, Interactions, Gestion, Usages, Environnement et Scénarios) / syndicats des marais mouillés

Concepteur
Jordane Ancelin, paysagiste au PNR marais poitevin / Alexis Pernet, paysagiste

Lieu
Marais Poitevin, France
Milieux
Estuaire / Delta / Marais / Lagune / Milieu saumâtre

Catégorie
Paysage & Ecologie

Type de projet
Approche par le paysage / Penser avec le vivant

Modalité d'adaptation
Composer avec l’incertitude / Prendre en compte l’impermanence et l’indéterminé, Composer dans un monde multispécifique / Régénérer et préserver les pouvoirs du vivant

Page du projet

Le contexte

Le Marais poitevin, interface entre terres agricoles et océan

Re-labellisé Parc naturel régional depuis 2014, le Marais poitevin se situe sur les départements de la Vendée, des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime. Cette région naturelle de France s’étend sur plus de 100 000 hectares dont 29 000 hectares de marais mouillé (zones inondables traversées par des canaux) l’inscrivant alors au rang de première zone humide de la façade atlantique. Interface entre terre (prairies, cultures céréalières…) et océan, cette grande étendue plane présente des fonctions écologiques majeures dans la régulation de l’eau et une grande variété de paysages naturels, refuge de nombreuses espèces (oiseaux migrateurs, hérons, martins-pêcheurs …). Le Marais poitevin  se décompose en trois grands ensembles paysagers façonnés par le fonctionnement hydraulique du lieu : le marais maritime soumis aux dynamiques des marées, le marais desséché (cultures et prairies) et le marais mouillé, qui fonctionnent ensemble.  

Un territoire façonné et entretenu par l’Homme

Soumis à des variations de précipitations importantes, le Marais poitevin est particulièrement exposé aux inondations en hiver et à l’assèchement des sols en été. C’est ainsi que depuis des siècles, l’Homme sculpte le paysage afin d’aménager un réseau hydraulique capable de réguler ces variations. Les premiers chantiers d’endiguement du marais furent réalisés dans l’objectif d’assécher et d’exploiter les terres. L’accumulation des aménagements réalisés il y a plusieurs siècles ont conduit aujourd’hui à l’organisation de terres de cultures séparées par un réseau de canaux navigables. L’ensemble formé par les marais mouillé et asséché permet de réguler le niveau et la trajectoire de l’eau, séparés par des systèmes de digues et de levées (berges artificielles en terre). Les aménagements du Marais poitevin sont historiquement entretenus par les fermiers, habitants des quelques “huttes” réparties sur les terres les plus stables, cette tradition tend à disparaître aujourd’hui.

Des frênes têtards victimes de la chalarose

Le maintien des berges est assuré par la plantation de frênes en bordure des marais, leurs racines permettent un maintien efficace de la terre et la retient de s’affaisser. Ces arbres sont traditionnellement taillés en têtard, leur forme caractéristique correspond à des usages et modes d’exploitation liés à la production de bois. Les habitants sont très attachés à la forme de ces arbres qui représente un véritable emblème du Parc naturel régional. Aujourd’hui la population de frênes représente plus de 98% des essences présentent sur le Marais poitevin. Bien que visuellement la dominance de cette espèce instaure une certaine cohérence, la monospécificité des arbres du milieu favorise la propagation de maladies. 

C’est la cas de la chalarose, une maladie causée par un champignon très virulent qui entraîne le flétrissement et le dessèchement du feuillage et affaiblit considérablement la santé des frênes de la région. La prolifération rapide de ce champignon favorisée par l’augmentation des températures peut causer la mort de nombreux arbres en seulement quelques années. Cette maladie venant de l’est de l’Europe progresse vers l’ouest de 60 km/an pour atteindre aujourd’hui les côtes atlantiques.   

Les concepts clés

Une démarche paysagère en 4 étapes

Dans le cadre du projet de recherche ANR DIGUES, qui étudie les transitions des systèmes d’endiguement maritimes et fluviaux en vue des usages, du paysage et de sa protection, le PNR du Marais poitevin mène un projet de renouvellement de la trame arborée de ce marais. Afin d’offrir une réponse rapide aux problématiques créées par la contamination des frênes dans le Marais poitevin, des ateliers de médiation ont été menés en collaboration avec un réseau d’acteurs divers dans l’objectif d’établir un diagnostic de la situation mais surtout un dispositif d’action et de projet. Depuis 2015 et à l’initiative du PNR du Marais poitevin, cette réserve naturelle voit son apparence  autrefois uniforme et cohérente se retranscrire en une mosaïque de paysages. Afin de mener à bien ce projet, le PNR s’est entouré de paysagistes spécialisés dont Jordane Ancelin et Alexis Pernet mais aussi de techniciens et d’habitants locaux. Le plan partagé établi se décompose en 4 volets permettant aussi bien une intervention rapide qu’une étude sur le long terme.

Agir rapidement, planter les arbres têtards de demain

Le Marais poitevin rassemble au total plus de 400 000 frênes têtards répartis de manière alignée au bord des levées formant un ensemble dense. La configuration en trame arborée monospécifique encourage malheureusement la prolifération de la maladie de la chalarose. L’absence de renouvellement des essences constitue un vrai facteur de risque pour cette espèce qui disparaît peu à peu. La plupart des terres du Marais poitevin sont privées et nécessitent donc la mobilisation des propriétaires fonciers, un processus d’appel à projet long et participatif a été mis en place.  Dans le cadre du programme “ Plantons les arbres de demain”, plus de 7500 arbres ont été plantés depuis 2017 et ont permis de restaurer 45km d’alignement, les acteurs espèrent la plantation de 5000 arbres par an à partir de 2021.

Diversification des essences du Parc

De par leur exclusivité et leur nombre, les frênes têtards du Marais poitevin manquent de résilience face à la chalarose. Le PNR a alors recensé, avec le soutien des habitants, une liste des essences locales pouvant faire l’objet de plantation dans le Parc dont le peuplier noir, le saule blanc et l’érable champêtre. De la récolte de graines à la plantation chez les propriétaires en passant par la production des plans, chaque étape du processus est réalisée au sein même du Parc par les volontaires. En échangeant sur l’identité du marais, l’attachement historique au motif du  têtard s’est largement exprimé chez les locaux qui manifestent un désir d’entretenir cette taille de tradition.

Suivre et étudier le comportement de la chalarose sur les arbres

La maladie de la chalarose progresse depuis 2010 d’est en ouest de la France et nécessite un suivi tout particulier dans le Parc naturel régional du marais poitevin. Afin de procéder à un suivi méthodique des boisements, des placettes témoins ont été créées en 2017 permettant l’élaboration d’un protocole avec les partenaires techniques. L’objectif de ce suivi est de déterminer si la taille en têtard influe sur la propagation de la maladie. Les résultats obtenus pour le moment démontrent que la taille en têtard des frênes retarde l’apparition de symptômes sur ces arbres et encourage l’entretien de cette tradition au sein du Parc.

Anticiper et suivre l’évolution des paysages : quel avenir pour les levées du Marais Poitevin ?

Dans un milieu où la présence du frêne prédomine depuis des siècles, le renouvellement de la trame arborée du marais poitevin initie une transition du paysage que le PNR du Marais poitevin donne à voir aux habitants. La production d’images prospectives à l’aquarelle par Denis Clavreul permet d’anticiper l’apparence du marais dans quelques années en imaginant l’évolution de la pousse des arbres. La mutation de ce paysage est suivie de très près grâce à la mise en place de l’Observatoire Photographique du paysage (OPP) et ces 33 points de vue installés dans le Parc et reconduits tous les 3 ans par des photographes.

Pourquoi on en parle ?

Se mobiliser, réduire la vulnérabilité d’un milieu

Le diagnostic minutieusement établi par le Parc naturel régional du Marais poitevin et l’ensemble des acteurs locaux a permis d’agir en conséquence selon un programme concret et adaptatif. Les ateliers de médiation menés en début du projet ont permis la mobilisation d’acteurs concernés et de collectivités territoriales. Afin de prévenir ce milieu des risques encourus par la disparition des frênes têtards ( fragilisation des berges, effondrements …), le renouvellement des essences d’arbres du Marais poitevin a permis d’offrir une visibilité du risque et de rappeler l’urgence climatique et les effets attendus sur le paysage, qui dépassent la seule trame arborée. La tempête Xynthia survenue en 2010 et les dégâts causés par la submersion de certains villages dans la baie de l’Aiguillon ont su réactiver une certaine mémoire du risque auprès des habitants du Marais, milieu fragilisé par les dynamiques de l’eau. En moins de 6 ans, les résultats de maintien des levées sont déjà observables et témoignent d’une réaction rapide et adaptée. 

Porter attention à un écosystème

Les zones humides comme celles du Marais poitevin, particulièrement touchées par les phénomènes de crues  remplissent des fonctions écologiques primordiales à la régulation de l’eau. Ces zones filtrent l’eau de pluie ruisselant depuis le bassin versant et drainent le marais pour le rendre cultivable . Les eaux sont assainies et évacuées ou stockées par les zones humides tandis que les retours d’eau salée sont empêchés. Ce milieu régulateur accueille une grande biodiversité, notamment une population importante d’oiseaux migrateurs, qui tend à être fragilisée par la dégradation du territoire. Porter attention à ce milieu souvent sous représenté permet de prendre conscience de sa précarité, de revaloriser ses richesses et de l’inscrire au cœur des préoccupations. L’avenir des levées et des différents aménagements des canaux est questionné par les phénomènes de montée des eaux, mais au-delà de l’aspect pratique, ils constituent l’identité paysagère du Marais poitevin. Les pouvoirs du frêne têtard sont régénérés par l’enrichissement et la diversification des essences dans le but de consolider les digues du marais mais aussi de préserver la biodiversité du milieu, voire l’enrichir en accueillant de nouvelles espèces.

Une démarche locale, progressive et collaborative

La démarche initiée par le PNR du Marais poitevin ne présente pas seulement un plan de paysage, elle constitue aussi une démarche collaborative et progressive menée par des acteurs divers. La collaboration entre des paysagistes, techniciens et locaux volontaires permet de répondre aux différentes problématiques du territoire en invoquant des visions multiples. Le processus de plantation de nouvelles essences est mené par chacun des volontaires qui assistent à des formations collectives (Prom’haies en 2019) destinées au réapprentissage des gestes et savoirs faire. Des partenariats sont établis avec les lycées agricoles de la région. Cette initiative en plus d’instaurer de nouvelles filières participe à l’élaboration d’un apprentissage commun, outil précieux de transmission. Les filières mises en place se trouvent au sein même du Marais poitevin et permettent le développement et la croissance d’essences adaptées au milieu. 

Vers une mutation du paysage

Depuis quelques années, une transformation des paysages a été amorcée par le dérèglement climatique et met en péril de nombreux écosystèmes. L’initiative du Parc naturel régional du marais poitevin propose un projet prospectif du paysage par la transcription de celui-ci. Bien que les habitants soient très attachés à l’identité uniforme de leur milieu, la nécessité de transformer ce paysage résulte de solutions étudiées afin de prévenir le risque et préserver un milieu. La production d’images du paysage futur permet de suivre son évolution et de rassurer les habitants parfois apeurés de voir le territoire changer.

Un défi écologique, économique et social

Le Marais poitevin, territoire de conflictualité, pose de nombreuses questions quant à la gestion de l’eau, au devenir des écosystèmes et à l’entretien des levées du marais mouillé. Le projet de paysage du PNR tend à établir une gestion communautaire du marais. Cependant, si autrefois les frênes et digues étaient entretenus par les habitants des huttes du marais, aujourd’hui ces habitats sont pour la plupart des résidences secondaires. Certains agriculteurs et maraîchers perpétuent cette tradition tant bien que mal, aidés par les habitants volontaires dans le cadre du projet de renouvellement de la trame arborée. La revalorisation de ce savoir-faire fait partie de la démarche collaborative et participe à la préservation de ce milieu humide fragilisé.  

Ce site présente toujours des difficultés d’entente entre les agriculteurs et les gestionnaires du territoire, les productions agricoles céréalières consomment énormément d’eau et posent alors des problématiques d’irrigation, de pollution et de gestion de la ressource. Le Parc naturel régional du Marais poitevin accueille aujourd’hui une forte activité touristique permettant une certaine redynamisation du territoire mais qui l’expose également à de nouvelles problématiques.

Source de conflits et tensions

Le Marais poitevin est soumis depuis toujours à de forts enjeux et conflictualités dans la gestion de l’eau et du territoire, aujourd’hui façonné par ces formes de pressions. La gestion et la régulation des eaux d’irrigation occupent beaucoup les acteurs du territoire et sont sources de tensions d’autant plus que les zones de plaine à proximité font l’objet de grandes cultures céréalières très consommatrices d’eau. Des réserves et bassines de substitutions ont été installées récemment afin de stocker, réguler et permettre une gestion plus collective de l’eau par les agriculteurs céréaliers. Seulement, ce cadre très conflictuel de l’usage de l’eau est soumis à des règles d’utilisation exposant sa gestion à de nouvelles problématiques. A quels types d’usages est destiné cet eau ? Pour quels types d’agricultures ?

Mise en perspective

Un milieu soumis aux aléas climatiques

Le Marais poitevin, territoire d’interface entre terre et océan est particulièrement exposé au risque de crues et de submersion marine. Malgré l’aménagement d’un système en réseau élaboré et le renouvellement des essences d’arbres du marais, la montée des eaux menace ce territoire de disparaître. Les digues et levées ne suffisent plus, elles se fragilisent avec les crues hivernales et viennent parfois à s’effondrer.  La perturbation des milieux mouillés et asséchés entraînent un appauvrissement de la biodiversité et un déséquilibre important au sein des écosystèmes. Les eaux douces et salées interfèrent et transforment les paysages perturbés par ce changement brutal. La montée progressive des eaux expose le Marais poitevin au risque de submersion marine poussant le Parc à envisager un recul des digues et levées. Cependant, cette solution de défense considère le changement climatique comme un problème rationnellement solvable alors que Jordane Ancelin et Alexis Pernet préconisent une démarche plus adaptative, laisser la mer envahir certaines terres, pour en protéger d’autres. Une expérience est menée dans ce sens dans la baie de l’Aiguillon, à la Prée Mizottière sur des terrains du Conservatoire du littoral dans le cadre du programme LIFE baie de l’Aiguillon.

Un territoire mobilisé pour  la transition écologique

Territoire humide, le Marais poitevin dispose d’un rôle fondamental dans la lutte contre le changement climatique  et l’élaboration de stratégies d’adaptation. Situé à l’interface entre océan et terre, ce territoire de régulation combine un certain potentiel et de forts enjeux environnementaux. Le Parc naturel régional du Marais poitevin met alors en place depuis quelques années un programme d’actions complet en faveur du climat. Il accompagne des initiatives d’aménagement du territoire et d’urbanisme ( guide « Comment mieux intégrer la qualité environnementale dans vos programmes d’habitat »), anime une stratégie territoriale énergétique (utilisation d’énergies renouvelables), favorise le développement de programmes européens pour la préservation du littoral (LIFE Baie de l’Aiguillon) tout en permettant d’anticiper les problématiques futures à travers des ateliers de médiation,  et de sensibilisation au grand public.